Récemment nous prenons de plus en plus conscience de l’impact de la mode sur l’environnement. Ce qui est une très bonne nouvelle! Mais il existe un autre sujet dont on prends peu conscience : l’impact négatif de la mode sur les droits des femmes et les contradictions du féminisme affiché de certaines marques.
Voici quelques réflexions sur la mode, le féminisme et le droit des femmes. Je ne prétends pas être exhaustive, simplement vous apporter mon expérience du sujet…
La mode, une affaire de femmes
Oui il faut bien l’avouer, la mode est un sujet qui intéresse un peu plus les femmes que les hommes. Même si beaucoup d’hommes font très attention à leur apparence, les femmes ont tout de même tendance à être plus consommatrices de produits de mode que les hommes.
Nombre de grandes marques ne s’y trompent pas et créent régulièrement des produits à slogan féministes. En effet, ces temps de #metoo et de libération de la parole, le T-shirt féministe a le vent en poupe.
Cela a été le cas de Dior avec le T-shirt « We should all be feminists » (dont une partie des bénéfices va à la Fondation de Rihanna pour justifier son prix élevé), Mango avec son T-shirt « Powerfull Women », ou H&M avec «Femme Vibe»
Mais est-ce vraiment féministe de créer un t-shirt à 15€ affublé d’un slogan féministe ?
La réalité derrière le slogan
Certes ces t-shirts à messages valorisent la volonté des femmes occidentales d’être mieux représentées et respectées à tous les niveaux (économique, politique et culturel). Cette intention est plus que louable et on ne saurait la critiquer.
Mais, si ces marques voulaient vraiment être féministes elles feraient bien de s’occuper en premier lieu des femmes qui produisent ces fameux t-shirt. Vous savez, celles qui habitent dans les pays du sud, sont payées mensuellement ce que nous gagnons en quelques journées, et n’ont pas toujours une vie très émancipée…
En effet, si nous regardons de plus près les chiffres de l’industrie textile, la situation du droit des femmes y est catastrophique.
Mode et droits des femmes : la triste réalité
Tout d’abord notons que 80% des travailleurs textile dans le monde sont des femmes (Source : Fashion Révolution). Si nous considérons que l’industrie de la mode emploie 60 millions de personnes dans le monde (Source : Organisation Internationale du Travail) ce sont donc plus de 48 millions de femmes employées à travers le monde par l’industrie textile. Soit plus que la population de l’Espagne.
Sur ces 48 millions de femmes travaillant dans le textile, peu ont accès à des conditions dignes de travail. La plupart d’entre elles vivent dans des pays pauvres qui profitent des salaires bas de leur population pour attirer des entreprises étrangères. Ainsi le salaire moyen d’une ouvrière textile en Chine est de 230 euros, 82 euros au Bangladesh et 145 euros au Cambodge.
Des salaires qui ne permettent pas à ces femmes d’être autonome et libres, ni de se prévoir un avenir pour elles ou leur famille. Des salaires qui subsistent tout juste aux besoins du quotidien : manger, se loger, se vêtir.
Au-delà du salaire, ces femmes ne travaillent certainement pas dans des conditions qui favorisent leur émancipation.
Par exemple, pour améliorer leurs revenus, elles enchaînent les heures supplémentaires. Ainsi au Cambodge les ouvrières textile travaillent en majorité plus de 48h par semaine (Source : Garment Worker Diaries).
Elles sont aussi soumises à des conditions de travail dégradantes en réalisant indéfiniment la même tâche sans possibilité d’évolution. De plus, les conditions de sécurité ne sont pas toujours assurées (nous connaissons tous malheureusement le drame du Rana Plaza).
Enfin, la hiérarchie dans ces usines textiles étant presque systématiquement masculine, les comportements sexistes et misogynes y sont monnaie courante et le harcèlement voir les agressions sexuelles sont une réalité indéniable.
En vérité, les conditions de travail des travailleuses de l’industrie textile sont beaucoup plus proches de l’esclavagisme que de la libération sexuelle.
Les grandes marques de Fast-fashion (ou du luxe car malheureusement luxe ne rime pas avec meilleures conditions de travail) sont donc totalement contradictoires, voir hypocrites, en vendant un t-shirt affublé d’un slogan féministe alors qu’il a été produit dans de telles conditions.
5 – Ne nous résignons pas face à cette situation
Pourtant l’industrie textile pourrait être un outil merveilleux de libération des femmes. Quelle industrie dans le monde emploie 48 millions de femmes ? C’est un potentiel énorme pour l’amélioration des conditions de vie et l’égalité des sexes !
Si chaque travailleuse textile avait accès à un salaire décent, des horaires décents et un cadre de travail respectueux, la condition des femmes dans le monde en serait totalement transformée.
Ce n’est pas impossible. Il y a des organisations qui font cela tous les jours. C’est le cas des partenaires de MUUDANA :
- Les ateliers de confection qui proposent un salaire minimum vital, une sécurité sociale, des formations et un cadre de travail valorisant. Les couturières peuvent ainsi subvenir aux besoins de leur famille, envoyer leurs enfants à l’école et se prévoir un avenir lumineux comme Sopheak qui rêve de monter sa propre entreprise !
- Les organisations d’artisans qui permettent à des femmes rurales de vivre de leurs talents et ainsi acquérir autonomie financière et respect de leur communauté. Dans ces villages, l’artisanat est une source de revenu substantiel et comme il est souvent dans les mains des femmes, il leur confère un rôle prépondérant dans la société.
- Les ONG qui travaillent à la réinsertion de femmes fragilisées par un environnement social difficile, leur évitant ainsi la prostitution ou la mendicité. Ces femmes retrouvent petit à petit une vie et un travail stable, respectueux et rémunérateur, à leur rythme.
- Et que dire de toutes ces créatrices indépendantes en Europe, Amérique, Asie… qui s’engagent au jour le jour. Elles créent leur marque avec la vision d’une société meilleure et la conviction qu’elles pourront changer la donne à leur échelle !
Oui la mode éthique a un impact indéniable sur l’égalité des genres et les conditions de vie des femmes. Je le vois tous les jours à Phnom Penh lorsque je visite mes partenaires.
Alors la prochaine fois que vous être tentées par un t-shirt à slogan féministe, assurez-vous qu’il provienne d’une créatrice indépendante ou d’une marque de mode éthique, et vous agirez vraiment pour la cause des femmes !